L’hydrogène naturel, considéré comme l’avenir de la transition énergétique, mais ignoré pour des raisons techniques (nous dit-on), voit progressivement tous les faisceaux converger vers lui. Pressés par l’urgence climatique, les gouvernements et les industriels investissent désormais dans l’hydrogène vert. Or, de celui-ci à l’hydrogène naturel, il n’y a qu’un pas.
Aujourd’hui, plus de 95 % des 70 millions de tonnes d’hydrogène, synthétisées dans le monde chaque année, sont issues d’énergies fossiles. Le gaz est produit par une réaction chimique dite de « vapo-réformage » qui consiste à mettre au contact du méthane de la vapeur d’eau et beaucoup de chaleur. Avec ce procédé, la production d’un kg d’hydrogène génère 9 kg de CO2. L’empreinte carbone de l’hydrogène reste donc encore très mauvaise. Pour éviter cette grosse pollution, les chercheurs ont inventé une autre technique, l’électrolyse de l’eau. Mais elle aussi nécessite beaucoup d’énergie, avec un rendement relativement faible. Au mieux, autour de 50 % de l’énergie électrique utilisée est «convertie» en hydrogène. Toutefois, avec l’électricité produite par des d’éoliennes ou des panneaux solaires, l’hydrogène produit devient renouvelable.
Les majors anticipent-ils la fin du pétrole ?
C’est cette opportunité de se verdir que veulent saisir les cadors comme Total. Lors d’un colloque de l’Union française de l’électricité (UFE), organisé le 3 décembre le PDG du groupe pétrolier et gazier, Patrick Pouyanné, s’est montré particulièrement enthousiaste quant à l’avenir de l’hydrogène. Pourtant en début d’année, il disait encore : « Il faut regarder la réalité en face : les constructeurs automobiles font le choix du véhicule électrique, pas du véhicule à hydrogène ». Quelques mois plus tard, le discours a changé. Le patron de Total assure désormais que « la filière hydrogène mérite d’être regardée de plus près ». Si ses collègues de la RATP (Catherine Guillouard) et EDF (Jean-Bernard Levy) sont moins emballés, parlant de la nécessité d’une initiative européenne sur le sujet, Patrick Pouyanné, lui, est très confiant. « On va déjà se payer l’infrastructure des bornes de recharge, on ne va pas se payer une double infrastructure (pour l’hydrogène). Par contre, quand on réfléchit sur les poids lourds, la filière hydrogène mérite d’être regardée de plus près », a-t-il déclaré. Total a même commencé à investir. « On est actionnaire de la plus grosse société de mobilité gaz-hydrogène aux États-Unis », a rappelé Patrick Pouyanné. Puis de se projeter : « L’horizon est 2030, on regarde sérieusement le sujet ».
L’Allemagne veut miser sur l’hydrogène
Patrick Pouyanné a pris en exemple l’Allemagne, où d’importantes initiatives sont menées en faveur de l’hydrogène. Les « Allemands sont en train de passer à une économie de l’hydrogène », et même si « en regardant la réalité du plan, les 40 projets sont tout petits », il y a de quoi à espérer en l’avenir. Outre-Rhin, le gouvernement a de grandes ambitions pour l’hydrogène. Le ministre de l’Economie, Peter Altmaier, a promis une stratégie nationale appropriée d’ici à quelques mois. « Nous devons poser les jalons pour que l’Allemagne devienne le numéro un mondial des technologies de l’hydrogène », a-t-il déclaré dans une tribune publiée ce mardi dans le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Pour l’Allemagne, l’hydrogène servira d’abord à stocker son énergie renouvelable en excès. Cette source alternative sera ensuite directement utilisable, par exemple dans les industries chimique ou sidérurgique. Dans le domaine de l’automobile, le ministre des transports Andreas Scheuer vise un total de 60 000 voitures à hydrogène d’ici à 2022. « L’industrie automobile doit mettre sur le marché des véhicules abordables et montrer aux gens que la technologie fonctionne de manière fiable », a-t-il indiqué. Pour atteindre ses objectifs, le voisin compte favoriser à la fois l’hydrogène « vert », fabriqué par électrolyse grâce à des énergies renouvelables, et le « bleu », produit à partir de gaz naturel.
Pourquoi chercher loin ce qui existe déjà dans la nature ?
Si les industriels font bien de s’intéresser à l’hydrogène vert, ils seraient fort inspirés de regarder sous leurs pieds. Il existe une ressource naturelle qui n’a pas besoin d’être générée par électrolyse : l’hydrogène naturel. Alors pourquoi chercher loin ce qui existe déjà dans la nature ? Pourquoi ne mettent-ils pas plutôt leurs gros moyens dans la recherche des technologies d’exploitation de ce gaz prometteur car totalement vertueux ?
Au Mali, Hydroma SA, une société d’exploration détenue par le malien Aliou Diallo, montre déjà l’exemple. Avec le peu de ressources financières en sa disposition, elle a réussi à transformer l’hydrogène naturel en électricité verte grâce à une unité pilote. Depuis 2011, c’est le village de Bourakébougou, à une soixantaine de kilomètres de Bamako, qui en profite. Hydroma SA vient d’ailleurs de lancer l’exploitation à grande échelle de l’électricité verte. Parallèlement, elle noue des partenariats en Allemagne, pour remporter son pari à une brève échéance : faire du Mali le moteur de la transition énergétique mondiale.